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Réélection de Lula au Brésil : véritable tournant en faveur du droit des peuples autochtones ?


Le dimanche 30 octobre 2022, Luiz Inacio Lula da Silva remporte de justesse l’élection présidentielle brésilienne avec 50,9% des voix contre son adversaire Jair Bolsonaro, président sortant d’extrême droite. Homme politique populaire du Parti des Travailleurs, Lula fait son grand retour après deux premiers mandats de 2003 à 20101.


Parmi les nombreux enjeux sociaux et environnementaux de cette élection, Lula a fait du respect des droits des peuples autochtones un sujet central de sa campagne. Cette initiative rompt avec l’ère « Bolsonaro » qui a plus que jamais fragilisé leurs droits2, à tel point que des organisations autochtones brésiliennes ont qualifié sa politique d’« anti-indigène » et d’« anti-environnementale »3.

L'expression « peuple autochtone » ne fait pas l’objet d’une définition juridique stricte communément admise en droit international. L’exercice de qualification est réalisé à l’aune du principe de l'autodétermination de ces peuples, en vertu des coutumes et traditions de leur communauté4. Par conséquent, ce silence permet de tenir compte des particularités de ces populations en leur garantissant l’application de droits présents dans de nombreux textes, au premier rang duquel la Constitution brésilienne consacre un chapitre spécifique aux « Indiens »5. Cependant, le droit à la vie, à l’eau, ainsi que l’obligation de consulter préalablement des populations concernées dans le processus décisionnel relatif à l’exploitation des terres6 sont fréquemment violés en raison du développement accru de l’exploitation minière et de l’agro-industrie sur les terres ancestrales d’Amazonie. Par conséquent, il convient de s’interroger si le retour de Lula sera vecteur d’une réelle protection et promotion des droits des peuples autochtones.


Même si ces derniers ont majoritairement soutenu Lula7 durant la présente élection, son passé politique s’est révélé peu soucieux du respect de leurs droits. L’affaire du barrage Belo Monte lors de son précédent mandat a fait couler beaucoup d’encre, à tel point que la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) avait été sollicitée. Elle avait formulé des mesures de précaution le 1er avril 20118 où elle enjoignait le Brésil de suspendre immédiatement sa construction et d’organiser une consultation des peuples autochtones. En dépit de cet avertissement, le barrage a tout de même vu le jour, entraînant un déplacement des populations, des violences et des atteintes à l’environnement9. Désormais, Lula s’est engagé à protéger les territoires autochtones et à mettre fin aux pratiques d’exploitations minières illégales. Pour ce faire, il promet la création d’un ministère des Affaires Indigènes dirigé par un représentant de la communauté autochtone10, souhaite la création d’une nouvelle agence étatique des affaires indiennes (FUNAI) précédemment démantelée par le président sortant11, et ambitionne de permettre aux autochtones d’être les premiers acteurs des décisions ayant effets sur leurs droits et territoires12. De plus, il devrait être présent à la 27ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP 27)13, aux côtés du Consortium des gouverneurs de l’Amazonie Légale, bien qu’il n’ait pas encore pris ses fonctions présidentielles.


Cependant, le bipartisme brésilien fait planer de sérieux doutes quant à la marge de manœuvre dont pourra bénéficier le futur gouvernement : les partisans du bolsonarisme, implantés dans de nombreux États et au Congrès14, sont déterminés à assurer la pérennité des projets d’exploitation de l’Amazonie. Pour autant, si cette division politique ne permet pas une protection des droits des peuples autochtones, s’adresser à la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) peut être une alternative juridique efficace. Cette dernière a, d’une part, élargi l’interprétation de l’article 4 sur le droit à la vie de la Convention américaine relative aux droits de l’homme comme le droit de vivre dans la dignité mais aussi dans le respect des droits économiques, sociaux et culturels15. D’autre part, pour la première fois, le 6 février 2020, la CIADH a condamné un État voisin, l’Argentine16, pour violation des droits à un environnement sain, à l’alimentation, à l’eau et à l’identité culturelle des peuples autochtones17.

Par conséquent, ces évolutions jurisprudentielles sonnent comme un glas d’espoir concernant l'obtention de réparations adéquates et présagent, à l’échelle régionale, une nouvelle norme protectrice des droits des peuples autochtones. Ainsi, bien que les décisions de Lula ou leur application soient incertaines, il semble qu’une avancée globale de la protection de la philosophie de vie de ces peuples influencera davantage les décisions politiques futures.


Par Marine BOULLAND, Charlotte COUET-WOLFE, Doriane HUET, Julia MAZZOTTA, Emilie SCHOLLIER – 14 novembre 2022.

RÉFÉRENCES


1 : « Election présidentielle au Brésil : Lula élu d’une courte tête face à Bolsonaro au second tour », Le Monde, 31 octobre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


2 : Amnesty International, Rapport 2021/2022, la situation des droits humains dans le monde - Brésil , 2022, p.132.


3 : « Bolsonaro : roi de la politique écocidaire et anti-indigène », Planète Amazone, Actualités, 8 avril 2022, consulté le 8 novembre 2022.

4 : Article 3, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 2007.


5 : Articles 231 et 232, Constitution de la République fédérale du Brésil, 1988.

Les articles 231 et 232 évoquent le pluralisme ethnique et culturel et assurent aux Autochtones le droit originaire sur les terres qu’ils ont traditionnellement occupées.


6 : Chapitre VIII, Des Indiens, Constitution de la République fédérale du Brésil, 1988.

Voir aussi : « Bolsonaro : roi de la politique écocidaire et anti-indigène », Planète Amazone, Actualités, Op. cit. , consulté le 8 novembre 2022.


7 : A. MENDONÇA, « Lula: 'Nenhum fazendeiro tem o direito de invadir o espaço indígena’ » , Estado de minas, 12 avril 2022, consulté le 8 novembre 2022.


8 : Commission interaméricaine des droits de l’homme, Indigenous Communities of the Xingu River Basin, Pará, MC-382-10 Brazil, 1er avril 2011.


9 : B. JAGGER, «The Belo Monte Dam: An Environmental Crime », International Rivers, 21 juin 2012, consulté le 8 novembre 2002


10 : A. MENDONÇA, Op. cit.


11 : Human Right Watch, « Brazil: Indigenous Rights Under Serious Threat », 9 août 2022, consulté le 8 novembre 2022.


12 : The chicago council of global affairs, « Brazil's Indigenous Peoples See Hope in Lula's Victory », 2 novembre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


13 : P. PEDUZZI, « COP27 inicia neste domingo discussoes sobre mudancas climaticas », Mídia Ninja, 6 novembre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


14 : « Election de Lula au Brésil : un soulagement planétaire » , Le Monde, 31 octobre 2022, consulté le 8 novembre 2022.

<https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/31/election-de-lula-au-bresil-un-soulagement-planetaire_6147989_3232.html>


15 : S. THERiAULT, « Justice environnementale et peuples autochtones: les possibilités et les limites de la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme », Revue québécoise de droit international, L’Etat de droit en Amérique latine et au Canada, 2015, p.134.


16 : Corte Interamericana de Derechos Humanos, Caso comunidades indígenas Miembros de la Asociación Lhaka Honhat (Nuestra Tierra) vs Argentina, Sentencia de 6 de febrero de 2020, consulté le 11 novembre 2022.


17 : Article 26, Convention américaine relative aux droits de l'homme, San José, 1978.



BIBLIOGRAPHIE

I) CONVENTIONS

Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, Assemblée générale des Nations Unies, 13 septembre 2007.


Convention n°169 relative aux peuples indigènes et tribaux, Organisation internationale du travail, 1989.


Convention américaine relative aux droits de l'homme, San José, 1978.


Constitution de la République fédérale du Brésil, 1988.


II) RAPPORTS DES NATIONS UNIES

Commission interaméricaine des droits de l’homme, Indigenous Communities of the Xingu River Basin, Pará, MC-382-10 Brazil, 1er avril 2011.


Nations Unies, Haut-commissariat des droits de l’homme, À la une / Articles, « Dans la forêt amazonienne, une tribu autochtone se bat pour survivre », 9 août 2022.


III) RAPPORTS D’ONG

Amnesty International, Rapport 2021/2022, la situation des droits humains dans le monde - Brésil , 2022, p.132.


B. JAGGER, “The Belo Monte Dam : An Environmental Crime”, International Rivers, 21 juin 2012, consulté le 8 novembre 2002.


Human Right Watch, « Brésil : Lula devrait aborder d’urgence la crise en Amazonie », 4 novembre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


Survival International, background briefing, “National Indian Foundation (Brazil)”, Survival International, consulté le 8 novembre 2022.


Human Right Watch, “Brazil: Indigenous Rights Under Serious Threat”, 9 août 2022, consulté le 8 novembre 2022.


The chicago council of global affairs, “Brazil's Indigenous Peoples See Hope in Lula's Victory”, 2 novembre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


IV) ARTICLE DANS UNE REVUE

S. THERiAULT, « Justice environnementale et peuples autochtones: les possibilités et les limites de la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme », Revue québécoise de droit international, L’Etat de droit en Amérique latin et au Canada, 2015, p.134.


V) JURISPRUDENCE

Corte Interamericana de Derechos Humanos, Caso comunidades indígenas Miembros de la Asociación Lhaka Honhat (Nuestra Tierra) vs Argentina, Sentencia de 6 de febrero de 2020.


VI) ARTICLES DE PRESSE

« Election présidentielle au Brésil : Lula élu d’une courte tête face à Bolsonaro au second tour », Le Monde, 31 octobre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


B. V. AUKEN, « L'arrestation de l'ex-président Lula et la crise du pouvoir au Brésil », World Socialist Web Site, Comité international de la Quatrième Internationale, 10 Mars 2016, consulté le 8 novembre 2022.


« Bolsonaro : roi de la politique écocidaire et anti-indigène », Planète Amazon actualités, 8 avril 2022, consulté le 8 novembre 2022.


« Election de Lula au Brésil : un soulagement planétaire » , Le Monde, 31 octobre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


A. MENDONÇA, « Lula : 'Nenhum fazendeiro tem o direito de invadir o espaço indígena’ », Estado de minas, 12 avril 2022, consulté le 8 novembre 2022.


P. PEDUZZI, « COP27 inicia neste domingo discussoes sobre mudancas climaticas », Mídia Ninja, 6 novembre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


« Défaite. Au Brésil, “le bolsonarisme continuera à vivre” », Courrier International, 4 novembre 2022, consulté le 8 novembre 2022.


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